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#FF00AA


23 nov. 2007

Preview : Assassin’s Creed (360)  

Ubisoft Montréal est décidément un drôle de studio : ils sont capables de faire renaître une licence que tout le monde croyait perdue comme Prince of Persia et développent des super-productions qui marquent l’histoire du jeu vidéo, mais ne peuvent pas s’empêcher de les saupoudrer régulièrement de mauvaises idées évidentes qui arrivent à faire leur chemin jusqu’au produit final alors que n’importe qui d’autre les aurait éradiquées dès le premier meeting où elles sont apparues. Jusqu’ici, l’exemple emblématique était le deuxième Prince of Persia, avec sa bande son à base de hard-rock et ses séquences injouables du Dahaka (enfin, à leur décharge, le Dahaka était une bonne idée à la base, et les premières scènes sont excellentes). Maintenant, je crois que ce sera plutôt Assassin’s Creed : une grande production avec des graphismes impressionnants, une motion capture tout bonnement hallucinante, et un gameplay qui ne se contente pas d’être d’un autre âge, mais est carrément débile sur certains points.

 

Outre sa parenté évidente (mais superficielle) avec Prince of Persia, Assassin’s Creed rappelle fortement deux jeux qui l’ont précédé. On est tout d’abord obligé de le comparer à Crackdown, pour la liberté d’action et le saut d’immeuble en immeuble. L’archipel de Crackdown est probablement un peu plus petit que le terrain de jeu d’Assassin’s, mais il est visible d’un coup depuis le toit de l’Agence, alors que les villes d’Assassin’s sont séparées par des randonnées équestres et des périodes de chargement conséquentes (mais joliment habillées). Sauf que, dans Crackdown, la liberté d’action est réelle, et même absolue — à part les derniers boss Shai-gen (parce qu’il faut sauter très haut pour les atteindre), il est théoriquement possible dès le début du jeu de griller les étapes et d’aller se frotter aux ennemis les plus difficiles — et on a un vrai sentiment d’accomplissement en escaladant les tours les plus hautes.

Dans Assassin’s, l’ordre des missions est imposé par le jeu, avec un enchaînement parfaitement répétitif de missions mineures sans aucun intérêt (allez à ce point sur la carte ; appuyer sur la gâchette ; attendez que les personnages aient fini de parler ; retournez au quartier général — non, sérieusement, c’est tout ce qu’on vous demande) et une omniprésence de murs invisibles (qui apparaissent bien visibles en bleu fluo quand on rentre dedans, l’aspect science-fiction étant avant tout une bonne excuse pour cloisonner les espaces soi-disant ouverts en plaçant des frontières artificielles pour guider le joueur). Cette grande ville à l’écran n’apporte en fait surtout qu’une illusion de liberté, au moins au début du jeu.

Quant à l’escalade, on peut certes passer des heures à admirer l’animation du personnage qui passe de prise en prise et saute de poutre en poutre, mais le gameplay est un putain d’anathème : gardez deux boutons appuyés en permanence, et Altair va tout faire tout seul, comme un grand. L’implication du joueur revient peu ou prou à orienter la caméra dans la bonne direction pour que le personnage trouve son chemin. C’est… euh… disons qu’au niveau du “jeu vidéo” c’est franchement léger. Plutôt un film des Yamakasi dans lequel on donnerait de vagues instructions aux acteurs.

 

L’autre source d’inspiration évidente, c’est Shadow of the Colossus : la palette de couleurs, le style graphique, l’épée, l’escalade, les balades à cheval… autant je ne veux pas parler d’inspiration à proprement parler pour Crackdown parce que je ne sais pas quand les développements respectifs ont démarré et c’était peut-être tout simplement une idée qui était dans l’air du temps, autant je n’ai aucun doute que les créateurs d’Assassin’s étaient d’honnêtes fans de Shadow. Sauf qu’ils n’ont visiblement pas tout à fait compris ce qui marchait et ne marchait pas.

Les séquences à cheval de Shadow ne plaisaient déjà pas à tout le monde, mais au moins on avait quelque chose à faire : il fallait trouver son chemin. Et on développait une relation avec son cheval, qui réussissait avec trois routines d’intelligence artificelle et demie à prendre l’épaisseur d’un animal réel. Dans Assassin’s, non seulement le cheval n’est qu’un véhicule, mais les déplacements eux-mêmes sont sans intérêt, puisqu’on ne fait que suivre des routes bien tracées. Et on fait des trucs avec les paysans ou les bandits qu’on croise, je ne sais pas trop, je ne me suis pas attardé. Mais le développeur est visiblement conscient que ce n’est pas une grande réussite, puisqu’il est paraît-il possible de sauter les séquences à cheval une fois qu’on a commencé à avancer dans le jeu.

Il y a ensuite l’escalade — oui, j’en remets une couche, parce que c’est un peu tout ce qu’il y a d’intéressant ou d’original à faire dans Assassin’s, et c’est aussi visiblement la partie du développement sur laquelle ils ont le plus investi (encore une fois, l’animation, superbe). J’ai déjà évoqué le sujet plusieurs fois sur le blog, mais maintenant que j’ai effectivement eu Altair entre les mains (huh) je me dois d’y revenir : Shadow of the Colossus ne réussissait pas que grâce à la direction artistique, mais parce qu’il avait aussi, et avant tout, un gameplay absolument parfait. C’était pourtant simple : une gâchette pour s’accrocher aux poils / herbes / aspérités, et un bouton pour sauter. Mais la correspondance entre les contrôles et les mouvements du personnage est tellement immédiate — et le choix de la gâchette, plutôt qu’un des quatre boutons, est tellement bien choisi — qu’on a après trente secondes de jeu l’impression physique d’être en train de se cramponner à une surface instable. Un oeil rivé sur le compteur en bas à droite, des gouttes de sueur dans le dos alors qu’on s’applique à trouver le moment idéal pour lâcher prise, se laisser glisser un peu puis se rattraper… tiens, Cliffy B disait que le shooter était le jeu le plus naturel parce que les joueurs peuvent “toucher” tous les éléments avec leur flingue, mais je n’ai justement jamais eu autant l’impression de toucher l’univers autour de moi que dans Shadow.

Bref. Assassin’s reprend les deux mêmes boutons, mais avec une variante : on ne les lâche jamais. Appuyez sur la gâchette et sur le bouton A en même temps, et Altair se métamorphose en Spider-Man, cherchant les prises sur les murs, courant et sautant sur les toits, le tout sans qu’on ait jamais relâché un bouton. C’est con, comme idée, et puis aussi c’est con : d’abord parce qu’on est au degré zéro de l’immersion et de l’identification au personnage comme je l’ai écrit plus haut, mais aussi parce que l’activité la plus courante, et la plus emblématique, du jeu requiert d’appuyer en permanence et sans la moindre difficulté sur deux boutons. Deux. Putain. De boutons. Pas un bouton, non, mais deux. Qu’on ne relâche pour ainsi dire jamais. Non, sérieusement, qui est-ce qui a bien pu concevoir ça ?

 

Restent les combats… qui sont mieux que je ne pensais, mais aussi pires. Ce n’est pas bien télégénique, mais une fois qu’on est dans la peau du personnage ça ne choque plus tellement, que les ennemis attaquent l’un après l’autre — d’abord parce qu’ils sont pas mal coriaces et qu’on n’a pas le temps de s’ennuyer, et ensuite parce que le chacun-son-tour n’est pas si prévisible et délibéré que ça. Malheureusement, là où le bât blesse, c’est — encore — au niveau des contrôles : le manque de réactivité d’Altair et la combativité des ennemis (qui savent sacrément bien parer les coups) incitent au button-mashing, sauf que les commandes ne sont pas exécutées immédiatement mais enchaînées en différé, et on continue à donner des coups d’épée trente secondes après avoir lâché le bouton. Si c’était le seul défaut du jeu, je dirais que c’est volontaire, que c’est conçu comme ça et que j’y jouais mal ; là, même si je sais qu’effectivement je ne me battais probablement pas tout à fait de la façon attendue, je trouve juste que c’est un peu inadmissible dans un jeu majeur sortant en 2007 de voir mon personnage son battre tout seul comme un poulet auquel on aurait coupé la tête.

Comme pour les séquences à cheval optionnelles, il paraît que par la suite on apprend à faire des contre-attaques mortelles immédiatement — c’est-à-dire qu’il suffit d’appuyer sur X pile au bon moment pour éliminer d’un coup chaque ennemi l’un après l’autre. Un petit indice à mes amis développeurs : si vous avez besoin de mettre des options qui court-circuitent la moitié du gameplay de votre jeu, c’est peut-être que ces aspects du gameplay sont ratés à la base. Shadow of the Colossus n’a pas de bouton pour sauter la partie exploration, et Crackdown… bon, ok, dans Crackdown il y a les lance-roquettes, mais les ennemis savent aussi s’en servir !

 

Partagé entre gameplay foireux et prouesses technologiques et artistiques, Assassin’s est un jeu auquel chacun voudra avoir joué au moins un moment — et il est probablement assez joli pour que vous vouliez le terminer — mais qui ne vaut clairement pas ses soixante-dix euros. Et c’est là qu’Ubisoft a bien raison de ne pas proposer de démo en téléchargement : alors qu’une démo dans un univers réduit ou même en temps limité, à la Crackdown, suffirait à chacun pour s’amuser un peu et atteindre les limites du fun qu’on peut avoir avec ce titre, l’absence de démo va forcer plus de joueurs à l’acheter, juste parce que c’est tout de même, malgré les nombreux défauts, une expérience à tenter.

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Got, il y a 6 ans :

Arf, je te trouve bien dur avec ce jeu. C'est évident, la déception au début est grande mais petit à petit on arrive à ne plus se focaliser sur ses nombreux défauts pour apprécier sa beauté et... sa facilité.

Comme tu le dis, certaines idées sont court-cicuitées rapidement, on peut effectivement contrer ses assaillants en parant et en appuyant sur X au bon moment, les phases à cheval deviennent optionnelles. Je trouve que le jeu en devient plus intéressant, laissant le joueur choisir ses priorités (faire toutes les missions ou se ballader à cheval) tout en proposant un gameplay plus nerveux lors des combats.

Après, comparer Assassin's Creed à Shadow of the Colossus, c'est un combat déséquilibré dès le début. Mais l'assassin d'Ubisoft est nettement plus accessible que le preux chevalier de Sony, le public visé est différent.

Je suis par contre tout à fait d'accord avec ta conclusion:
Assassin’s est un jeu auquel chacun voudra avoir joué au moins un moment — et il est probablement assez joli pour que vous vouliez le terminer — mais qui ne vaut clairement pas ses soixante-dix euros.
mais je ne regrette pas pour autant mon achat. Le sentiment de liberté et le free-running sont moins présents que dans Crackdown ou Naruto mais c'est un vrai plaisir que de se faire courser sur les toits de Jérusalem après avoir assassiné notre cible. Un vrai souvenir vidéoludique...

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